
Les Pouilles, c’est beau. D’un certain point de vue. Un point de vue tout à fait relatif. Une relativité tout autant subjective. Bon, déjà, la verdure, faut faire une croix dessus: tout paysage d’une masseria à l’autre, déchiquetté de routes approximatives, chemins de terre, de pierres, de poussière, est en fait cramé. Brulé. Bouffé. Vaporisé par ce soleil infernal. Les herbes sont jaunies (la jeunesse aussi), les bosquets sont épineux (de cheval) et pas très accueillants, les jolies propriétés se cachent derrière des murs de poussière, comme dirait Francis. En fait, à part la côte et quelques jolies città, c’est bof. Bof nul même. Le tout, au bruit de fond des cigales, crr crr. Crr crr. Crr crr. Bon, la mer, c’est autre chose: dans le fin fond du talon, celui de la botte, là où la mer Adriatique turlutte la mer Ionienne, l’eau est turquoise et très claire. Certaines falaises cachent des petits grottes et endroits de paradis, mais encore faut-il les épingler. Parce que, trouver la mer, en soi, c’est pas bien clampin! Et les italiens avec, c’est cadeau de la maison! Ils sont tous bruns, dorés, se laissent taper sur le ciboulot par le soleil sans frétiller du fion. Ils marchent nus pieds sur le sable brûlant comme si c’était un tapis d’herbe verte et fraiche, celle de nos prairies, ou des cours de golf d’intérieur.

D’ailleurs, en parlant de, moi aussi, je cours. Je fais des grands bons gracieux et délicats semblables à un éléphant sur un tapis de clous et je saute d’ombre en ombre, en continuant quand même toujours de me crâmer les coussinets, sinon c’est pas marrant. Puis on trouve notre spot, je jette mon essuie par terre et fais un mignon saut de carpe dessus. J’établis mon périmètre de sécurité, je battis mon fort. Bon, c’est bien beau, me voilà sur mon essuie entourée d’une nuée d’italiennes qui n’ont rien à envier aux brésiliennes, puisque la mode chez les jeunes dindes (celles qui n’ont ni cellulite ni marques de bronzage), est qu’elles n’ont pas l’air de savoir si elle veulent porter un string ou une culotte. Alors dans le doute, elles ont toutes une culotte-string, communément appellé tanga, qui laisse généreusement dépasser les fesses bien comme il faut de chaque coté. Mais bon, quand on a un cul comme ça, c’est à croire qu’on le fait exprès! Haha (rire jaune).

Or donc, devant cet étalage de poissonerie aux reflets dorés et aux écailles parfaites, j’ose à peine déplier une faible et timide patte blanche de ma position de bernard l’hermite terrorisé et j’observe. C’est pas non plus forcément une bonne idée. Mais finalement convaincue (et surtout vaincue) que personne ne s’intéresse à mes jambons tous blancs, j’étends un, discrètement, déplie le deuxième tout aussi subtilement, et m’allonge en m’étirant de tout mon long, comme si par magie, mon ventre allait soudainement devenir aussi plat qu’un ticket de métro. Et le pire, c’est que j’y crois! J’y crois tellement que je vérifie, enduite en erreur par la magie de la position horizontale. Je n’ose même pas bouger. On me regarde? Bon, le mieux reste alors de me jeter à la flotte, littéralement. Là encore, tout un cinéma: que chacun regarde en l’air dans 3, 2, 1, je rentre dans l’eau: tayauuuuu! Re-délicatesse, re-classe et re-subtilité.

J’entends presque certains mecs soupirer gentiment style ”raaah les nanas”, mais j’aimerais vous y voir messieurs, avec vos jambes et vos torses blancs de poulets! Les italiens, comme les italiennes, se font aller, c’est bien connu! D’ailleurs, tu vois passer ce beau mâle aux jambes musclées d’un brun caramel, les poils éclaircis par le soleil de sa toison brune sur le torse, et un mignon duvet sur les jambes, fais gaffe, tu baves un peu. Et ce brun ténébreux à la chevelure noire et soyeuse? Ca se commande où un bronzage pareil? C’est honteux! Tu t’indignes, tu cries, tu protestes, tu admires aussi, le tout, intérieurement bien sur. Tu ne leur donneras certainement pas la satisfaction personnelle de les jalouser ouvertement, non mais! Et finalement, si les mamis aux gants de toilettes pendouillants (caramel aussi hein!) se foutent du monde (et de la mode) et s’étalent un peu partout sans complexe aucun, que chacun porte ses plis et ses formes pour elle et pour lui, et que la plage c’est avant tout un moment de piacere, tu te dis oh et puis merdasse, fuckasse, les poulets et les bernards l’hermite d’abord! Plouf.
